Indépendamment de la sénescence réplicative due au raccourcissement des télomères à chaque mitose, la sénescence peut être induite prématurément par des stress, tels que des stress oxydants, métaboliques, génotoxiques ou encore oncogéniques. Contrairement à la quiescence – un arrêt réversible du cycle cellulaire, la sénescence se caractérise par un arrêt stable, essentiellement irréversible, du cycle cellulaire et par des changements morphologiques, des adaptations métaboliques et un profil sécrétoire particulier concourant, à terme, à altérer l’homéostasie tissulaire. Bien qu’exerçant de fait, tout au long de la vie, un rôle suppresseur de tumeurs, la sénescence, sous sa forme chronique, s’avère être paradoxalement un processus nuisible, potentiellement tumorigénique en l’absence de réponse immunitaire adaptée.
Selon les doses utilisées, les traitements anticancéreux génotoxiques, comme certaines chimiothérapies ou les radiothérapies, peuvent induire aussi bien la sénescence prématurée des cellules cancéreuses (et donc leur stabilisation) que leur autodestruction par apoptose (et donc leur réduction) – la sénescence étant préférentiellement induite par des doses faibles. Cependant, les sénescences ainsi induites peuvent être à l’origine de résistances aux traitements – l’état sénescent étant associé à une résistance à l’apoptose. De surcroît, certaines cellules cancéreuses parviennent à dépasser cet état de sénescence et à recouvrer leur capacité de prolifération occasionnant par là-même des rechutes souvent difficiles à traiter.
Toutefois, l’induction de la sénescence comme thérapie anticancéreuse demeure plus que jamais d’actualité. Il est en effet possible d’en tirer parti afin d’augmenter l’efficacité de traitements institués à faibles doses, tout en diminuant leurs effets secondaires. D’importants efforts de recherche sont actuellement consentis en vue de développer des thérapies combinées associant un traitement sénomorphe visant à rendre les cellules cancéreuses sénescentes, puis un traitement sénolytique destiné spécifiquement à les éliminer, et ce de manière à éviter toute rechute ou métastase. Un autre intérêt de cette approche, et non des moindres, est l’élimination concomitante des cellules sénescentes non cancéreuses et par là même des effets délétères de leur sécrétome.
Diverses stratégies d’élimination des cellules cancéreuses sénescentes peuvent être adoptées. L’une d’entre elles vise en premier lieu à cibler leur résistance aux signaux pro-apoptotiques, et plus spécifiquement la protéine anti-apoptotique Bcl-2. Des inhibiteurs de ce type existent déjà. Une autre approche consiste plus spécifiquement à contrer certaines adaptations métaboliques opérées par ces cellules sénescentes, telles que l’apparition d’un phénotype hypercatabolique et glycolytique après traitement. Des inhibiteurs compétitifs de la glycolyse, tels que le 2-désoxyglucose, ont déjà été utilisés à cette fin. Enfin, une autre stratégie possible consiste à bloquer les effets délétères de leur sécrétome sur le microenvironnement tissulaire. Ces différentes approches offrent de réelles perspectives d’intervention thérapeutique.
Parallèlement, d’autres recherches visent actuellement à identifier de nouvelles cibles et de nouveaux composés actifs, naturels ou synthétiques, pour de futurs traitements sénothérapeutiques.
Avertissement: Les présentes informations sont fournies à titre indicatif et ne se substituent pas à un avis médical.
Références:
Goy E, Abbadie C. Sénescence et cancer: double jeu. Med Sci (Paris) 2018;34(3):223-230.
Jordan B. La sénescence en passe d’être vaincue ? Med Sci (Paris). 2018;34(10):885-890.
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